Dans mon école, tous les enfants possèdent une Ceinture de Comportement[1]. Cette Ceinture, bien que symbolique, reste, pour autant, bien présente à chaque instant de la vie de la classe, pour chacun des élèves car elle leur indique, de manière claire et incontestée, les Droits et les Devoirs dont dispose chaque individu.
Elle est matérialisée à la fois par une pastille de couleur plastifiée, apposée sur le tableau de travail qui est affiché dans la classe, et par un brevet obtenu lors de la passation de la Ceinture.
Quand j’ai mis en place les Ceintures dans ma classe, je suis parti du principe que tous les enfants désirent progresser, et qu’ils désirent obtenir des Droits. Je connais le grand besoin qu’ils manifestent en termes de justice. Je sais qu’ils sont capables d’accepter la différence, mais que le traitement de celle-ci doit toujours rester, à leurs yeux, équitable.
Je suis parti également du constat que certains enfants ne respectent pas toujours les Devoirs qui leur sont imposés et que j’ai, de par les expériences et les observations faites auprès de chacun d’eux, une confiance plus grande pour certains, que pour d’autres[2].
Je sais que le traitement que nous opérons ordinairement pour accorder des Droits aux élèves est parfois injuste : nous accordons davantage à ceux qui savent faire (ou qui savent insister), plutôt qu’à ceux qui se font oublier. En accordant des Droits plus fréquemment à ceux que nous croyons capables de réussir, voire en permettant aux élèves au comportement le plus pénible (ceux pour qui on se dit que cela leur permettra de prendre un instant un rôle plus positif), on oublie une partie des élèves. Croit-on ces derniers incapables de parvenir à effectuer certaines tâches ? C’est peut-être bien possible et pourtant, il nous revient néanmoins, de les y amener.
Je voulais en outre que ce fonctionnement puisse garder une cohérence ; qu’il puisse se trouver au plus près de l’idéal républicain ; que les Droits obtenus ne soient pas des faire-valoir pour quelques-uns, mais que ceux-ci ressentent le poids de la responsabilité ; qu’ils deviennent des exemples pour les autres ; que les autres sachent qu’eux aussi, à condition qu’ils fassent l’effort d’en respecter toutes les modalités, pourront obtenir ces mêmes droits, avec certitude.
Je me suis inspiré de ce qu’avait mis en place Fernand Oury et de l’expérience de plusieurs enseignants en pédagogie institutionnelle. Il fallait que le fonctionnement puisse rester viable, bien que je ne mette pas en place la monnaie[3] dans ma classe. J’ai donc imaginé le permis de conduite[4], comme élément central du dispositif. Il fallait en outre que cela devienne un système en équilibre, au sens mécanique du terme, lié avec les Ceintures[5] par le permis de conduite, la Loi[6], le Règlement de la Classe[7], le Conseil[8], les « métiers[9] », les médiations[10], les Droits et les Devoirs.
Les Ceintures accordent des Droits nouveaux aux enfants. Mais, ils auront en contrepartie de nouveaux Devoirs. Plus les Droits accordés seront importants et plus les Devoirs exigés deviendront eux aussi importants.
Les parents font de même, en se comportant différemment, en fonction des enfants qu’ils ont. S’ils élèvent plusieurs enfants, ils vont prendre en considération les difficultés que la tâche exige, au regard de leur âge, de leurs capacités propres, des expériences antérieures réussies ou non, de leur maturité…
Les enfants sont tous différents : ils n’ont ni le même âge, ni le même degré de maturité, ni la même confiance en eux-mêmes, ni la même histoire.
Pour réaliser une tâche spécifique, la confiance[11] que l’adulte accorde à un enfant donné, est variable en fonction de son âge, mais elle ne demeure pas absolue car il peut arriver qu’un enfant soit en capacité d’effectuer une tâche qu’un enfant plus âgé ne parvient pas à accomplir.
Par conséquent, un enfant de quatre ans va avoir peu de Droits. C’est pourquoi, on n’exigera de lui que peu de Devoirs. On ne va pas l’autoriser à aller chercher du pain tout seul à la boulangerie. On sera par ailleurs beaucoup plus tolérant avec lui sur ses petites « bêtises » plutôt que sur celles de son grand frère. À sept ans, selon le degré de confiance, s’il n’y a pas trop de difficulté, on pourra certainement commencer à le laisser aller seul. À partir de dix ans, l’enfant est capable d’y aller sans danger, parce qu’il est latéralisé, qu’il est devenu assez responsable pour traverser la rue et pour vérifier la monnaie qu’on lui rend.
Tous les enfants ne peuvent pas être considérés de la même manière. En effet, les enfants sont tous différents : ils n’ont ni le même âge, ni le même degré de maturité, ni la même confiance en eux-mêmes, ni la même histoire.
Il est important que chaque enfant puisse savoir à quel niveau de confiance il se trouve, aux yeux de l'adulte.
De manière identique, dans la classe il y aura des enfants que l’on pourra laisser aller porter seuls un message dans une autre classe ; aller chercher un ballon dans le local de rangement, sans que l’adulte n’ait à prendre, en cela, trop de risques. Pour un autre enfant de cette classe, cela ne sera pas possible : le risque sera trop important de voir l’enfant effectuer des « bêtises ».
Dans tous les cas, il reste important que chaque enfant puisse savoir à quel niveau de confiance il se trouve, aux yeux des adultes. Il faut également que rien ne puisse être figé dans le temps, car un enfant « petit » peut lui aussi grandir. C’est d’ailleurs essentiel pour lui, et c’est notre rôle que de l’y aider.
C’est pour ces raisons que, dans ma classe, l’apprentissage du « vivre ensemble » est institutionnalisé par un fonctionnement utilisant des Ceintures de Comportement.
Fernand Oury[12], pédagogue français, fut le premier à parler de « Ceintures de Comportement ». Il était lui-même judoka. Il voulait que, comme au judo, chacun puisse savoir quoi attendre de la personne qui se trouve en face de lui. Dans ce sport, un judoka Ceinture Noire peut combattre contre un judoka Ceinture Jaune : dans ce cas, la Ceinture Noire doit se cantonner aux seules prises connues de la Ceinture Jaune.
Principes généraux des Ceintures de Comportement.
- Tous les enfants de la classe doivent respecter la Loi et le Règlement de la Classe.
- Dans la classe, tous les enfants possèdent une Ceinture de Comportement. Chaque enfant a le droit, s’il le peut, de demander l’obtention de la ceinture qui est immédiatement au-dessus de la sienne.
- Aucun enfant ne peut se voir retirer une ceinture qui lui a été accordée (à l’exception des Ceintures Bleue ou marron), mais s’il ne se sent plus capable « d’assumer » sa ceinture, il lui est possible de demander à tout moment à reprendre la ceinture inférieure.
- Chaque enfant possède un permis de conduite qui comporte 1 point d’avertissement et 20 points.
- Chaque fois qu’un enfant enfreint une règle de la classe, il peut perdre 1 ou plusieurs points sur son permis de conduite, immédiatement ou lors du Conseil.
- Un enfant qui n’a plus de point sur son permis et qui continue à en perdre doit recopier la Loi ou le Règlement (une partie, pour les plus jeunes), autant de fois qu’il a perdu de points au-delà de zéro.
- Quand les enfants de la classe sont en « code silence » (silence absolu, déplacements interdits), les points perdus sont doublés.
- Les points perdus par les enfants qui ont une Ceinture Orange ou verte sont doublés
- Les points perdus par les enfants qui ont une Ceinture Bleue ou marron sont triplés.
- Quand, à la fin d’une semaine, un enfant a perdu plus de points que ne l’autorise sa ceinture, il devient « pastille rouge » durant toute la semaine suivante : il perd alors tous les Droits non essentiels accordés par sa ceinture.
- En début de chaque semaine, tous les enfants récupèrent la totalité des points de leur permis.
- Les enfants qui ont effectué des tâches pour la collectivité peuvent récupérer de 1 à 3 points par tâche, avec un maximum total de 5 points par semaine.
- Si le besoin s’en fait sentir, chacun a la possibilité de proposer lors du Conseil l’ajout, la suppression ou la modification d’une règle pour la classe (aucune règle ne pouvant être dirigée spécifiquement contre un ou plusieurs individus ou bien entrer en contradiction avec une Loi).
- Les enseignants de l’école possèdent tous la Ceinture Noire. De ce fait, ils participent au Conseil des Ceintures noires qui peut éventuellement modifier ou annuler une décision ou une règle votée par le Conseil des enfants de chacune des classes ou par le Grand Conseil.
Dans ma classe, les enfants disposent tous d’une Ceinture de Comportement, indiquant là où ils se situent au niveau de leur comportement, à un instant donné.
Elles suivent l’ordre des Ceintures de judo : blanche, jaune, orange, verte, bleue, marron et noire. Plus une Ceinture est « faible » et moins l’enfant possède de Droits et de Devoirs. Plus elle est « élevée » et plus l’enfant possède de Droits et de Devoirs.
Les sanctions[13], en cas de transgression du règlement, sont variables selon la Ceinture. Sanctions simples pour les Ceintures basses (blanches et jaunes) ; sanctions doubles pour les Ceintures moyennes (oranges et vertes) ; sanctions triples pour les Ceintures élevées (bleues et marron). Cette différenciation des sanctions est instituée dans un souci d’équité et de justice[14], tout simplement parce que les Ceintures élevées doivent être des exemples pour les Ceintures faibles. Parce qu’il leur est beaucoup plus facile de ne pas perdre de point, il faut que les pertes leur soient plus lourdes. Il me parait inconcevable, pour ma part, de donner un blanc-seing à ces élèves exemplaires, afin qu’ils puissent se croire autorisés à commettre « un peu » d’infractions, alors qu’ils sont capables de les éviter sans difficulté.
Un enfant qui désire « être considéré comme un grand » va être par conséquent sanctionné comme un grand ; un enfant qui ne veut respecter que les Devoirs des « petits » est moins sanctionné parce qu’il se considère comme « petit ».
La Ceinture de Comportement va inciter les enfants à rechercher l'équilibre entre ce qu'ils "veulent être" et ce qu'ils "peuvent être".
Mais, il ne suffit pas de « vouloir être grand », il faut également être capable de « se comporter comme un grand »…
Ainsi, les Droits accordés aux Ceintures[15] les plus hautes vont devenir de véritables moteurs pour tous les enfants. Ces Droits vont leur donner « envie de grandir » et les pousser à passer une Ceinture plus élevée, malgré l’augmentation des Devoirs.
Les droits ne sont jamais abandonnés aux enfants ; ce sont eux-mêmes qui les acquièrent.
La Ceinture de Comportement va inciter les enfants à trouver l’équilibre entre ce qu’ils « veulent être » et ce qu’ils « peuvent être » réellement, à un moment donné.
Le fonctionnement de toute la classe s’appuiera donc en permanence sur ces Ceintures de Comportement qui vont donner aux enfants de véritables Droits dans la classe. Ces Droits ne leur sont pas abandonnés, mais ce sont les enfants qui les acquièrent, parce qu’ils ont obtenu un certain niveau de confiance, comme l’indique, de manière indéniable, leur Ceinture.
Un enfant qui fera un écart, par rapport à ce qu’exige la Ceinture qu’il possède, sera forcément sanctionné la semaine suivante, par un gel provisoire d’une semaine, des Droits[16] de sa Ceinture (mais pas de ses Devoirs car il continue à posséder cette Ceinture).
Pour que des enfants au comportement difficile puissent trouver malgré leur comportement, une place dans la classe, une Ceinture supplémentaire (la Ceinture Rose) a été créée. Cette Ceinture reste, néanmoins, suffisamment contraignante pour que son titulaire soit incité à faire les efforts nécessaires afin de la dépasser. On peut ainsi exiger que l’élève Ceinture Rose reste en permanence à proximité d’un adulte de l’école. En contrepartie, l’adulte s’engage à régler immédiatement les problèmes qui se posent à cet enfant, sans qu’il y ait besoin d’en passer par le Conseil.
Les Ceintures s’obtiennent à la demande de l’enfant lui-même. Il doit alors disposer depuis au moins trois semaines des points nécessaires pour son obtention et avoir montré les facultés nécessaires à l’accomplissement de l’ensemble des tâches de cette Ceinture (savoir comment se déroule le Quoi-de-Neuf[17], le Conseil[18] qu’il pourra présider s’il le désire ; avoir déjà réussi à présider sans aide le Quoi-de-Neuf ou le Conseil, savoir résoudre un problème par la médiation[19]…). Pour les Ceintures Bleue et marron, en plus de ces deux conditions, l’enfant devra pouvoir obtenir la confiance de la classe ou de l’école lors d’un vote en Conseil (ce qui implique que cette Ceinture pourra lui être retirée en cas d’abus de confiance).
Ce sont d’abord les grands moments institutionnels (Quoi-de-Neuf, Conseil, médiation…) qui vont devenir les moteurs[20] pour les enfants, en leur donnant une légitimité reconnue face au groupe. Ce sont ces évènements qui vont leur donner envie de « grandir » davantage, d’accepter les contraintes que supportent les grands pour en obtenir les libertés associées. Ces apprentissages leur seront d’ailleurs utiles, plus tard, dans leur vie d’adulte.
Pour fonctionner, ce système nécessite l’application de deux principes fondamentaux :
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- Le premier est l’obtention de véritables Droits accordés aux Ceintures élevées, ce qui sera le véritable moteur pour que les enfants acceptent de passer des Ceintures contraignantes.
- Le second est la mise en place des « pastilles rouges » [21], clef de voûte du système, puisqu’il s’agit du principal moyen pour sanctionner les écarts. Il est nécessaire d’ailleurs, que l’enfant « pastille rouge » puisse « ressentir » véritablement la conséquence du gel de ses Droits. Les enfants possédant les Ceintures les plus élevées seront alors ceux qui ressentiront le plus la sanction (puisque ce sont eux qui auront le plus à perdre).
Franchir une étape permet à l’enfant de vérifier qu’il grandit.
Les Ceintures de Comportement sont acquises automatiquement, à la demande de l’enfant, à condition que celui-ci en respecte bien tous les critères d’obtention[22]. De même que le brevet de natation, le baccalauréat… elles ne peuvent lui être retirées[23] car elles montrent uniquement que l’enfant a été capable, à un moment donné, de passer cette Ceinture. Les retours en arrière n’ont rien d’exceptionnels et ont un caractère normal. Le développement de l’enfant est rempli d’essais et de retours en arrière. Ceux-ci vont lui permettre de trouver son équilibre. La première fois que l’enfant réussit à faire un pas tout seul, cela ne veut pas dire qu’il est capable de marcher. Il tombera et continuera encore un temps à se déplacer à quatre pattes, puis progressivement, il fera d’autres tentatives, s’équilibrera de mieux en mieux et parviendra véritablement à devenir bipède. Les enfants ont besoin de franchir ces étapes. Elles sont pour eux le moyen de vérifier qu’ils grandissent. Ils ont besoin de sentir notre confiance en eux pour ce qu’ils ont réussi à faire. Si à chaque échec on leur refait tout recommencer à zéro, ils se découragent voire abandonnent. Quand les marches paraissent trop hautes, elles deviennent semblables à un mur, dans lequel l’enfant viendrait s’écraser. Ne pas lui faire recommencer tout à zéro ne signifie pas que les écarts ne seront pas sanctionnés. Il ne faut pas oublier, que si un élève, Ceinture Verte, ne respectait pas ses Devoirs semaine après semaine, il verrait ses Droits gelés, semaine après semaine.
La Ceinture n’est pas là pour figer des différences ; elle est une étape dans un cheminement.
L’enfant, qui ne parvient pas à conserver les Droits de sa Ceinture, peut demander, s’il le souhaite, à reprendre une Ceinture inférieure (il peut d’ailleurs avoir intérêt à le faire, afin d’avoir au moins les Droits d’une Ceinture inférieure, plutôt qu’une Ceinture trop forte avec des Droits gelés).
J’ai, à ce propos, observé un enfant qui passait son temps à déranger la classe, mais qui avait réussi à obtenir néanmoins sa Ceinture Verte, grâce à des « circonstances favorables » : les trois semaines où il avait réussi à conserver les points avaient été incomplètes (pour des raisons diverses : jours fériés, vacances ou maladie).
Cet enfant, une fois qu’il fut en possession de sa nouvelle Ceinture, ne put en bénéficier véritablement que la première semaine. Par la suite, comme il perdait trop de points, il restait invariablement « pastille rouge ».
Passer une Ceinture exige l’adaptation de son comportement et de ses aptitudes.
À un moment donné, il me fit part de sa volonté de redescendre de Ceinture. Mais au dernier moment, il se ravisa et décida qu’il essayerait de faire encore l’effort la semaine suivante. Comme cela était devenu sa volonté propre, il y parvint. Je pus observer que cet effort fut durable puisque jusqu’à la fin de l’année, il réussit, la plupart du temps, à conserver suffisamment de points afin de conserver ses droits. Les Ceintures avaient été capables pour cet enfant, de lui donner l’envie de modifier son comportement.
La passation d’une Ceinture est soumise à une double modalité :
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- disposer des points de la Ceinture convoitée depuis trois semaines (en semaines glissantes)[24]. C’est généralement le point qui est le plus difficile à respecter pour certains élèves. En effet, certains sont capables de garder les points de leur permis durant une, voire deux semaines, mais la troisième semaine consécutive leur pose souvent problème. Pour ceux-ci, réussir à passer une Ceinture exigera qu’ils parviennent à modifier véritablement leur comportement.
- montrer que l’on est capable d’accomplir les Devoirs de ces Ceintures (propositions pour la classe, présidence du Conseil, présidence du Grand Conseil, médiation, confiance de la classe[25] ou de l’école…). C’est généralement le point qui posera problème aux élèves les plus timides. Là aussi, pour ne pas rester cantonné aux Ceintures les plus basses (celles détenues par les élèves perturbateurs), ils vont réussir à faire les efforts pour accepter de se mettre en avant. Cela leur permettra d’arriver à un point d’équilibre entre leur position dans la classe et l’engagement qu’ils sont prêts à fournir.
J’ai observé également une élève, là aussi, considérée comme ayant un comportement « pénible » pour la classe, qui connaissait pourtant extrêmement bien les Droits et les Devoirs, bien que ne respectant pas ces derniers. Elle avait obtenu la Ceinture Orange, qui lui permettait de se déplacer dans la classe. Une semaine, elle s’aperçut qu’elle avait dépassé de justesse la limite des points de sa Ceinture. Elle me demanda si elle avait le droit de repasser Ceinture Jaune, et si dans ce cas elle serait « pastille rouge ». Je lui déconseillai de faire cela mais je lui dis qu’elle en avait tout à fait le droit, et que dans ce cas-là elle ne serait plus pastille rouge. Au Conseil suivant, elle demanda à redevenir Ceinture Jaune. La semaine suivante, elle me demanda si elle avait le droit de repasser Ceinture Orange. Je lui répondis, « oui, mais que cela ne serait possible qu’au bout de trois semaines »[26]. En définitive, il lui fallut plus de trois mois pour obtenir à nouveau, les points pour repasser sa Ceinture Orange.
L’objectif des Ceintures est d’aider l’enfant à grandir et à devenir responsable.
Quand elle l’eut récupérée, elle est venue me dire qu’elle aurait mieux fait de rester pastille rouge une semaine ! Dès le CE2, cette enfant avait compris, par sa propre expérience, ce principe de réalité.
Lors d’un passage de Ceinture, un diplôme est remis à l’enfant, lui récapitulant ses Droits et ses Devoirs.
L’objectif des Ceintures est donc d’amener l’enfant à grandir et à devenir davantage « responsable ». La finalité est alors de permettre aux enfants de se sentir de plus en plus « citoyen » au sens large : c’est à dire de se sentir concerné par les affaires de la classe, de l’école, de la cité, de la planète… C’est pour cela qu’être grand, c’est être capable de s’intéresser aux autres ; c’est être capable de proposer des solutions pour régler les problèmes du collectif. Être grand c’est devenir autonome, devenir un moteur pour les autres, devenir porteur des projets du groupe…
Les Ceintures ne rejettent personne. Chacun a une place ; chacun a un rôle.
Les Ceintures ne rejettent personne. Chacun a une place ; chacun a un rôle. La Ceinture la plus basse donne une place à l’enfant « petit » qui gêne en permanence. Cette Ceinture n’est pas un objectif, c’est juste un passage qui ne demande qu’à être dépassé. Il pourra l’être d’ailleurs avec certitude[27] dès que l’enfant s’en sentira capable.
La Ceinture la plus haute peut être difficile à obtenir parce qu’elle nécessite des capacités multiples. Un enfant trop effacé aurait du coup des difficultés à l’obtenir. En effet le comportement n’est plus le seul facteur retenu pour devenir « grand ». Il lui faudra, parfois, prendre sur lui pour se mettre en avant face aux autres. Il lui faudra acquérir de véritables aptitudes sociales.
Car être grand ce n’est pas être sage[28], comme le croient bien souvent les enfants. Être grand, c’est pouvoir tout à la fois être acteur du monde, sans jamais devenir une gêne pour celui-ci ! C’est devenir un citoyen qui réfléchit, propose, choisit…